Bretagne des terres, des collines, du canal et des rivières.
Finalement, je ne suis pas allée à St Malo, parce qu’ici c’était déjà beau, que j’avais à y faire, et que là-bas sur la côte, le monde et les files d’attente ne me séduisaient plus.
En vérité, j’étais dans un autre attente, celle du bébé à venir, celui de ma fille et de son amoureux.
Naissance prévue après le festival. Naissance arrivée pendant le festival. Peut-être l’envie de me trouver au plus près de la Loire, libre comme l’air, a conforté le choix de ne pas monter à St Malo.
Donc le bébé.
Une histoire privée intime tout autant que partagée puisqu’une venue au monde. Moi qui travaille sur les histoires de vie, en voilà une sous mes yeux à son tout début. Ici, je la nomme seulement. Elsa.
Bienvenue Elsa.
Je n’ai pas de nouvelles histoires littéraires de ce côté-ci de la Bretagne.
En mode pause en quelque sorte.
J’aurai bien, à vous dire, celles, nombreuses, de la première partie de mon périple mais je préfère rester à ce que je vis dans le présent.
Bécherel, Illers-Combray, Melun, Montigny-sur-Loing et les Ardennes vous seront contés plus tard.
J’ai, par contre, de quoi écrire un livre sur mes rencontres de la route.
Ici en Bretagne, après la roulotte N° 2, il y a la dame méfiante des petits camions blancs comme le mien, celle accueillante au lavoir, celles des roses rouges de l'église ...
La méfiance envers les manouches.
Expérimenter le regard de l’autre.
St Martin sur Oust.
Je cherche un coin pour la nuit. Je le veux face à l’eau, pour les premières vues du jour.
Ecluse indiquée. Petit chemin de terre.
Je le prends. Et la dame sur son vélo sur le même chemin de terre mais à l’inverse.
Non, non c’est un chemin privé ici, non ce n’est pas marqué mais c’est un chemin privé, vous ne pouvez restée ici. Y a des gens comme vous, enfin pas comme vous mais qui ont un camion comme vous. Vous allez me dire qu’on se méfie de tout. Oui, on se méfie de tout et de tous. Vous là vous voyez vous n’avez pas l’air méchante mais vous savez les coups par derrière. On a vue ça, des bandes organisées, avec des gens qui ont l’air bien comme vous, mais qui sont de mèches et qui sont là juste pour nous endormir. Z’ont des camions comme le votre. Des petits blancs… Et puis pour les vols c'est pareil, y a des manouches là dans le bas. ... avec leurs fourgons comme les vôtres. Des gens pas fatigués du travail ça c'est sûr ! Avec eux on se méfie. Mon fils à deux filles, une de 14 ans et l'autre de 10. Bah, il ne les lâche pas, non ! Trop dangereux ! Bon vous ne pouvez pas rester ici, ni même prendre le chemin pour descendre à l’écluse."
Elle m’explique le dur labeur de son fils agriculteur qui a repris l’exploitation familiale, celle qu’ils ont fait grandir, elle et son mari.
Et moi je me vide de mon énergie mise à tenter de lui montrer la confiance.
Peine perdue.
Cette fois ce sera ciel moutonneux en l’encontre de mes voisins de route.
Alors je pense aux autres gens.
Ceux au ciel clair.
Je pense à cette vieille dame avec qui j'ai parlé hier, que je vois depuis des années ici au Roc St André. Elle lave son linge au lavoir, chez elle, au Val néant ...
" Non, je n'ai jamais lavé mon linge autrement. Et j'aime beaucoup parce qu'on voit du monde, on cause avec des inconnus, on se revoit, discute. Bon ce sera mardi ma prochaine lessive... Vous viendrez ? "
Et ma terre redevient rose ...
Rose comme les roses. Rouges aussi.
Le même village le lendemain matin. Bord du canal.
Un tour tout autour du village, à vélo.
Rentrer le vélo dans le camion.
Une dame, blouse de nylon sur elle pour protéger l’habit, sortie tout droit de l’église. Ressemblance à s’y méprendre avec « ma dame du chemin de l’écluse »
Ah c’est pas bête ça, votre vélo dans le camion. Attendez j’vais vous aider !
Un peu plus tard je rentre dans l’église. Je rentre toujours dans les églises lorsqu’elles sont ouvertes. Intérêt architecture et autres.
- Alors on a bien travaillé ? Qu'est-ce que vous en pensez ?
- Ça sent très bon toutes ces roses.
S’en suit une discussion dont je me sens étrangère sur la communion ou le baptême, je ne sais même plus … Et la décoration de l'église pour la cérémonie. Ce que je sais c’est le ton désolé d’avoir jeté le surplus des fleurs.
Moi je n’ai plus d’odorat depuis … Mais oh c’est dommage si j’avais su, si nous nous serions parlé un tout petit peu plus tôt, je vous aurais offert ces roses dont vous aimez tant le parfum. Là elles sont trop loin et jetées…
Puis j'ai recroisé la route de la roulotte du vannier (article précédent)
et ai fait quelques pas au rythme des ânesses Rose et Prunelle.
Et là, la route prend une tout autre dimension.
Il y a ceux qui nous croisent, nous doublent, s'arrêtent, nous attendent, prennent des photos, félicitent, admirent, nous invitent, nous indiquent, nous sourient, lèvent le pouce, le pied, font un bout de chemin avec nous ... ou regardent droit devant, nous ignorant, le nez sur leur compteur ... 4 km/h !
Les vieux, les jeunes, les enfants, les femmes, les hommes ... Tous ont de quoi s'intéresser. Qui aux animaux, qui à la roulotte, qui aux roues ferrées, qui au trajet, qui à la vannerie ...
De quoi écrire une nouvelle chronique !
